• Je suis devenue (quasiment) bilingue franco-américain. J'ai laissé tomber les "-ise" pour les remplacer par des "-ize" et les "-our" pour les remplacer par des "-or". J'ai enrichi mon vocabulaire de plein de mots à utilité restreinte et appris un certain nombre d'insultes. J'ai pris un accent nasalisé (mais pas totalement perdu la pointe d'accent français, du moins aux oreilles américaines, et n'ai pas vraiment l'espoir de la perdre un jour). J'ai réussi à mener des conversations à plusieurs dont certains imbibés d'alcools par-dessus de la musique, à comprendre les films et même parfois les paroles de chansons. Mais du coup je ne sais plus parler allemand. Du tout.
  • J'ai rencontré une brassée de gens sympathiques (et plus si affinités), des Américains et des Mexicains et des Espagnols et des Chinoises (mais pas ma coloc) et des Libanais et des Indiens et des Italiens et des Singapouriennes et des Suédoises et des Anglais et des Néerlandais et des Allemands et des Finlandais etc... et aussi des Français.
  • J'ai visité plein de jolis endroits, lézardé au soleil, pris des photos de l'Océan Pacifique, pesté contre les coyotes, pollué la planète en prenant l'avion plein de fois.
  • J'ai profité de l'excellente couverture santé de l'université (merci ma bourse) pour enfin me mettre à remédier à une situation médicale, très personnelle, et sur laquelle je ne m'étendrai pas plus que pour dire que même si ce n'est pas facile, ça vaut toujours la peine de se battre.
  • J'ai dîné à des heures indécentes, fait des tas de barbecues, assisté à des matchs de baseball, regardé le Super Bowl, roulé dans le désert sur des routes droites à perte de vue, bu mon eau avec une paille, et autres choses typiquement américaines.
  • J'ai réalisé à quel point la culture américaine était différente de la culture française (ou peut-être de ma culture ?) malgré leur apparente proximité (héritage de la Vieille Europe et de la mondialisation). Et qu'il y a quelques aspects que j'ai énormément de difficultés à embrasser et que je ne me force à respecter que parce que je suis une brave fille. Le premier, c'est qu'il y a énormément de tabous aux États-Unis, tabous au sens où l'on se doit de les aborder avec moultes pincettes même en privé et qu'on ne plaisante pas avec les choses sérieuses. La politique et l'ordre établi, par exemple. Et les gens ont du mal à accepter que je casse du sucre sur le dos du Président de la République Française (parce c'est mon président paraît-il) ou que je critique la politique de mon pays (parce que ce n'est pas patriotique de dire du mal de son pays). Le deuxième, c'est le mercantilisme. Tout, tout, tout tourne autour de l'argent. Y compris le succès : il n'y a pas d'autre forme de réussite que financière et pour se montrer sous un éclairage positif, il faut étaler son fric (quitte à emprunter de l'argent pour pouvoir le claquer, un truc qui m'échappe mais alors, d'une force). En temps que française d'un milieu intello, gauchiste, et autres origines douteuses, j'ai constamment le sentiment d'être confrontée à grande échelle à une horde de nouveaux riches (parvenus, bourgeois, etc, allons-y, balançons) à la moralité mal placée et fiers de choses que je ne m'explique pas. Si je faisais ce billet à l'américaine, je devrais insister sur le genre de salaire que pourrait me rapporter ma thèse, sur mes acquisitions (un téléphone cellulaire qui était à la mode il y a cinq ans, une mijoteuse et un radio-réveil, ah non, zut, il faudrait que j'insiste sur les trucs qui ont au moins l'air cher...)... C'est usant.
  • J'ai eu le mal du pays, de ma famille et de mes amis, parfois jusqu'aux larmes, mais jamais au point de regretter vraiment d'être venue ici.